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06 mars 2008

Tue. 19th Feb. - We Only Come Out At Night [Les Citrouilles]

Aujourd'hui, de par mon état de grâce de démissionnaire, j'ai échappé à la visite clients: Un gros paquet de managers du client qui débarquent pour palper la marchandise. S'enfermer dans une salle de réunion, rester sérieux, ne pas s'endormir, c'est un peu dans le genre «La nuit des powerpointivores» en moins drôle et beaucoup plus soporifique.

Pour faire un break, ils débarquent dans l'open space pour tester la camelote: voir que derrière la machine à CVs, il y a des vrais bureaux, des vrais bonshommes en chair et en os, des PCs (c'est bien, pour des développeurs), et tout et tout.
Dans la foulée, j'ai aussi échappé à la suite incontournable: la bouffe client, se taper à 20 dans un resto, faire gallerie pour ceux d'entre-eux qui aiment faire le malin, déguster du homard, siroter des grands crus et sucer du client, mmmmh!

Et donc je suis rentré à la maison et j'ai mangé là (ce que prépare notre cuisinière Nord-Indienne; mon collègue et sa femme, originaire de Calcutta, n'ont pas adopté la première cuisinière, Sud-Indienne, pas confondre c'est pas la même chose!). Un peu plus tard, un soudain creux nocturne m'a poussé à ouvrir le frigo pour y fureter à la recherche de ce dessert qu'on a acheté hier... Mais malgré mon entraînement, j'ai été contraint à capituler. Le frigo est plein de petits pots contenant toutes sortes de concoctions et préparations d'origine douteuse (Nord-Indienne) et à la mine insondable. Impossible de détecter le dessert des légumes exotiques ou de la sauce explosive.

31 janvier 2008

Thu. 31 Jan. - It's over [Smiths]

Bon, voilà, rideau... Ma mission se termine en queue de boudin (a-t-elle été un jour autre chose que ça d'ailleurs?). Lors de la tantième échauffourée entre l'équipe de Paris et celle de Bangalore, j'ai pris le parti des derniers de manière un peu trop évidente, ce qui a dû être interprété comme de la haute trahison par les premiers; résultat, ils ne veulent plus de moi (et probablement qu'ils ne demandent qu'à se passer des Indiens aussi, sauf qu'ils sont tenus par les couilles par un contrat bien ficelé)... Un bon mois de préavis, puis je quitte Paris. Un second mois de préavis, et je démissionne.

Ca tombe assez bien, je suis épuisé et j'en ai ma claque de jouer au pigeon voyageur et de changer de lit tous les 5 jours, et de continent tous les 10. De toute façon, j'ai une nouvelle aventure qui promet d'être autrement passionnante qui m'attend dès avril, mais néanmoins j'aurais aimé partir la tête haute, comme un héros, acclamé de tous, sur fond d'une musique triomphante comme dans les films américains! Ca, c'était en décembre. Las! J'aurais dû me barrer là comme prévu!

Donc le temps de faire un transfert de connaissances, un dernier voyage en Inde pour dire adieu (et voir le Taj Mahal finalement?), et me voilà libéré de ce projet qui tiendra sûrement le titre de plus absurde de ma carrière pendant un bout de temps.

30 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 7

La mi-temps

Pour fêter la fin de leur séjour, on a décidé de les amener dans une boîte. Une vraie, avec une sono et Village People et Soft Cell, la bière à 15Euros et tout le monde qui se trémousse.
Ils se sont compètement pris au jeu, ont dansé comme des macaques, se sont attaqué à tout ce qui bouge (ils sont mariés, au passage) et ont pris la moitié de la boîte en photo, genre (à un gars): tu peux me prendre en photo avec ta copine?
J'ai failli m'écrouler de rire quand j'en ai vu un s'approcher d'une nana qui dansait sur une table, se poster juste en-dessous d'elle et se mettre à la siffler avec un gros rire bênet.

Au cœur de la globalisation - 6

Première mi-temps, en coulisses

On m'avait décrit les Indiens comme un peu taciturnes, frileurx et pas trop sortir, genre boulot-dodo (oui, on les a logés à côté des bureaux, donc pas de métro).
Quand, après 3 jours à Paris, ils ont passé le week-end à Eurodisney, j'ai révisé mon jugement... Pour la suite des opérations, il visaient le Moulin Rouge, et le tour d'Europe, parce que Paris c'est un peu petit et on a vite fait le tour hein? Après avoir beaucoup étudié les possibilités d'aller à Rome (c'est dommage tout-de-même que le train mette 10h pour couvrir les 1200kms, c'est un peu long... En Inde, dans le même temps on atteint tout de suite la prochaine ville à 400 kms), ils se sont finalement contentés de Notre-Dame et le château de Versailles, jugeant les trains/avions/autos/bus européens scandaleusement chers.
Ils ont au passage pu goûter à l'autre particularité des transports français: la grève. Pour une raison que je ne pense pas être arrivé à leur expliquer complètement d'ailleurs (les régimes spéciaux de retraîtes, ah bon?)

On a aussi eu droit à un forum des employés de notre compagnie (on n'est plus au temps où ils se passaient dans des Hotêls de rêve aux Bermudes, mais on a tout-de-même eu droit au champagne dans la salle de réunion du siège à Paris), occasion pour notre PDG d'exhorter les troupes et répéter notre stratégie pour conquérir le monde. Ca tombait assez bien, il faut dire, que pour illustrer ladite stratégie, il y avait justement ce jour-là une dizaine d'Indiens: «Ils sont là, ils existent pour de vrai, voyez, on ne raconte pas [que] des mensonges!» Et donc, pour faire sympa, il fait un tour de présentation. A la fin duquel, un de mes gars lance: «Et tu es qui, toi?», qui a fait rire toute l'audience.

26 novembre 2007

Mon. 26 Nov. - Tra la la hop hop [Le passage musical d'un film Bollywood]

Ah, ça chauffe aujourd'hui! Le développeur qui doit se faire comprendre par gestes et petits dessins est en passe de se faire jeter. Il a dû faire son petit dessin de travers, ou faire un geste obscène, je sais pas, toujours est-il que de l'autre côté, ça n'est pas bien passé et ça s'est mis à faire appel à du manager et comme on le sait bien, une fois que ceux-là s'en mêlent, c'est le bordel!

Je me suis donc retrouvé dans une conference call avec 5 ou 6 managers de tous bords, chacun y allant de sa petite anecdote ou remontrance, ça veut comprendre, ça résume, ça détaille, ça contextualise, ça relativise, ça pinaille, ça digresse, ça veut être bien clair là-dessus, ça n'aimerait pas qu'on prenne une décision hâtive, ça ne voudrait pas qu'on s'alarme pour si peu mais tout de même, ça devrait se discuter dans telle réunion, ça explique, ça n'écoute pas, ça papote, tous ensemble, ça cacophonise et, après une demi-heure, trois quarts d'heure à ce petit jeu, surtout, surtout, surtout ô grand Surtout, ça ne décide juste rien du tout.

Retour à la case départ.

Le gars va pouvoir encore faire des coloriages pendant un tour. La prochaine fois qu'il dépasse j'aurai droit à une nouvelle séance de commères. Ou alors, il sera effectivement jeté, décision prise "d'en-haut" par "on ne sait qui" et que j'apprendrai tout-à-fait par hasard en l'entendant dire dans la file d'à-côté à la cafet' à l'heure du café.

25 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 5

Première mi-temps: Les Indiens dans la ville

Trève de préparation et de tourner autour du pot, place à l'action:
Début octobre, l'équipe de Bangalore, fin prête, débarque à Paris pour la première mi-temps. On a réussi en dernière minute à avoir un visa pour chacun (en demandant pour certains un visa belge pour corriger le tir du visa français foireux... bah, c'est toudi la même chose non, en anticipant un peu le rattachement?), ils se sont acheté des pulls et des vestes pour affronter les températures extrêmes du grand Nord, on leur a donné un cours accéléré de "bonjour" et "s'il vous plaît"; ils sont gonflés à bloc.

Les premiers sont reçus aux petits oignons, avec introduction personnelle au métro, plan de Paris et bons plans à Paris, discours de bienvenue, t-shirts et tout le toutim.
Arrive le moment d'en découdre: on met les deux équipes en présence (avec arrivée sérieusement en retard de la mienne, faute que je pourrais facilement leur faire endosser même si la vérité est simplement que j'ai pas réussi à me lever à temps). On présente les futurs collègues les uns aux autres, Gopinath va travailler avec Abdallah et Shantakumar avec Sun-Li (oui, comme au foot, l'équipe de France est issue de la Grande France).
En général, on se retrouve avec:
- 1 gars qui parle Hindi, Telugu, Bengali et Indlish,
- face à 1 gars qui parle Français, Arabe, Berbère et Franglais.
Parmi les choix possibles, on évite le Telugu-Berbère au profit de Indlish-Frangalis, avec des résultats varibles. Plutôt bons dans le cas du Français qui est originaire du Pakistan et parle l'Anglais d'Oxford. Plutôt mauvais dans le cas du Français qui se souvient vaguement que son tailleur est riche, mais son Anglais s'arrête là. Ceux-là se retrouvent donc à devoir communiquer par gestes et petits dessins (ou encore, par écrit, en passant tout dans Google Translate).

Dans le même genre d'ailleurs, en plus d'une langue étrangère, il faut compter avec un clavier étranger: ces claviers bizarres où pour taper un "Q" il faut appuyer sur "A", etc... Ils sont habitués au QWERTY et ont eu du mal à se faire aux claviers français. Et comme dans toute bonne administration, on a commandé des claviers QWERTY qui sont arrivés le lendemain du départ des gars.

Premier temps de midi, premier lunch: j'emmène mes camarades pour un lunch typique du coin: la baguette jambon-beurre. Palabre de 20 minutes devant le comptoir, pour leur traduire tout l'étalage, leur expliquer ce qu'est le jambon, le thon, et pourquoi on n'a pas faire cuire la salade, plus embarras de la serveuse à trouver un sandwich végétarien.
Verdict: C'est fade, et c'est dur à croquer, ça fait mal en bouche, mais la salade de thon c'est pas mauvais.

21 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 4

A ma droite: Les Indiens.

L'Inde, pays magnifique et mystérieux, au senteurs exotiques et envoûtantes, etc. etc. et où les fermes à informaticiens poussent comme des champignons.

Le truc dommage à Bangalore, c'est que tout ce bétail qui bosse dans les campus (buildings tout neufs, de verre et d'acier, assez semblables à ceux qu'on trouve chez nous), n'y est pas logé. Donc ça fait pas mal de monde qui circule dans tous les sens les matins et les soirs. Etonnamment, les seuls qui restent sereins dans tout ce bordel, ce sont les vaches sacrées à qui tout le monde fout la paix et qui peuvent aller paître où bon leur semble. Pour les autres, c'est la bagarre pour traverser la ville et arriver au bureau avant midi (ou arriver chez soi avant minuit, dans l'autre sens).
La conséquence immédiate, c'est qu'il n'y a pas un chat dans les bureaux avant 10h du matin (ne me demandez pas comment moi j'y étais, à cette heure-là, ça tient de l'exploit!). Et comme il faut éviter les embout' du soir, il faut quitter vite vite avant 18h. La philosphie régnante ici, vous l'aurez compris, c'est "pas pousser bobonne", ou "pourquoi faire aujourd'hui ce que je pourrais prétendre faire toute la semaine prochaine?".

Einstein a dû penser à son principe de la relativité du temps après un voyage en Inde: toutes les durées y sont dilatées. Il y a, en occident, une espèce de crainte de l'ennui qui fait que les gens en général débordent de créativité pour occuper leurs temps morts. Si j'attends un coup de téléphone dans 15 minutes, je vais faire autre chose en attendant: écrire un mail, parler à machin, lire un truc, n'importe quoi (et me mettre en retard pour le coup de téléphone, d'ailleurs au passage)...
En Inde, si on attend un truc dans 15 minutes, pas de problème, on est zen: en attendant, on attend. Ils ont cette incroyable faculté complètement cool de pouvoir attendre sans trépigner, sans devenir fous.
Là où ça devient comique aussi, c'est que comme c'est une activité normale d'attendre, personne ne vient se plaindre qu'il est en train d'attendre. Par exemple, j'assigne une tâche à un développeur. Il a un problème de connexion qui l'empêche de travailler. J'appelle le service qui règle les problèmes de connexion, et lui suggère quelques pistes d'autres trucs à faire en attendant. 3 jours plus tard, je retrouve le gars, il attend toujours qu'on lui règle son problème pour commencer à bosser... Et en attendant, ... il a attendu. Et pas foutu une bille.
Un autre exemple, je leur demande (aux 10 gars de l'équipe) un rapport de leur activité du mois de septembre: c'est sans ciller qu'ils me répondent qu'ils ont passé 60 jours à obtenir leurs visas (soit un tiers du mois). Après, c'est mon problème de présenter au client un rapport un peu moins couillon et d'inventer ce qu'ils auraient bien pu faire pendant ce temps s'ils n'avaient pas bêtement attendu que le formulaire arrive par la poste...

Un autre élément facilitateur de non-travail, c'est qu'ils sont fragiles. Il n'est pas rare que l'un de leurs proches tombe malade. Sa mère. Ou son cousin. Ou le père du frère de la femme par deuxième mariage du cousin, celui qui habite à la frontière du Bangladesh («un proche!! On a gardé les cochons ensemble!» — Quels cochons, au fait??). Et comme il faut être solidaire avec la famille, il faut bien que quelqu'un se dévoue pour aller au chevet du malade, vous comprenez bien. A ce sujet, on médisait d'ailleurs (entre Belges) qu'elle serait vachement heureuse, la malade, de voir à son chevet ne fût-ce qu'un dixième des proches qui prétendent y être...

Parfois, ils sont un peu cassés eux-mêmes, ce qui n'est finalement pas très étonnant au vu du champ de bataille dans lequel ils sont fourrés, matins et soirs, sur les routes, juchés à 2 ou 3 sur leurs vieilles guimbardes 125cc au milieu des voitures, rickshaws, camions et vaches sacrées.

19 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 3

Le Scenario

Première étape de la mission: collecter les demandes.
Il s'agit de faire le tour des chefs de projets qui ont passé commande pour avoir de l'Indien, et rédiger des bons de commande. Ca ressemble en gros à "je veux un développeur qui connaît java", ou "... connaît c++". Les plus malins d'entre eux rusent: "... qui connaît java, parle Français couramment et sort de Polytech". Eviter toutefois le "... connaît java, le whist, la belote et s'y connaît bien en bons vins", ça donne trop la mèche quant à ce qu'on fout vraiment dans cette cellule-là.
Ensuite, quand on a un bon paquet de demandes (disons 10), envoyer le tout au grossiste en Inde.

Deuxième étape, en Inde: le recrutement.
Quand le grossiste, en Inde, reçoit les bons de commande, il doit s'arranger pour envoyer des CVs de gars qui correspondent au profil. Donc il prend sa machine à écrire, invente 10 noms exotiques (par exemple Shantakumar, ou Gopinath... plus ça sonne bizarre, plus ça fait authentique) et crée de toutes pièces 10 CVs qui correspondent justement aux commandes. Le gars a tout de même un talent: il sait faire des voix et imiter les accents. Parce qu'après, il doit se faire passer pour ses 10 gars différents pour faire les interviews. Oui, mais ... côté contenu des interviews? Boarf, l'interview se fait en anglais, par téléphone, avec un Français. Il pose des questions, on massacre un peu l'anglais en baratinant n'importe quoi: après 3 ou 4 essais, il se lassera de demander de répéter la réponse...

Etape rien que pour rire: les changements d'avis
Du côté Français, c'est pas tout de passer commande de bonshommes, après il faut aussi changer d'avis. Finalement, le projet se fait pas / est retardé / on a tout changé / on a redéfini les priorités / on vous avait donné la liste de l'an dernier / ah non, c'est la liste des courses, ça... Les raisons sont nombreuses, et en tous cas les changements aussi: «Mais non, pas 3 "java": 1 "c++"», «Ah oui, il doit comprendre le Portuguais aussi», etc.

Etape "rions aussi": réagir au changement
C'est là que la compétence du grossiste fait toute la différence, et qu'on voit que c'est un vrai métier. Il doit continuer à faire coller ses CVs aux demandes, voire jongler un peu, permuter de ci de là... mais surtout pas s'emberlificoter dans ses bidouilles, parce que s'il tombe sur un coriace de l'autre côté, il pourrait en résulter une sérieuse baisse de crédibilité (genre le développeur qui change subitement de sexe, ou qui passe à 12 ans d'expérience alors qu'il a 23 ans, etc.).
Au terme de cette étape, on devrait obtenir une liste de sièges (jobs) et une liste de personnes (ressources), et même une correspondance entre les deux, qui fait qu'on sait qui mettre où.

Troisième étape: l'onboarding
Assez curieusement, envoyer du travail offshore commence par faire venir les gars en France. C'est ce qu'on appelle l'onboarding: monter à bord. Ils doivent venir à Paris montrer leur binette, faire un joli sourire, puis subir un transfert de connaissances. De manière à maintenir l'illusion que quand ils retourneront en Inde, ils vont travailler, et pas seuelement regarder le cricket.
Oui mais, là où avait laissé notre grossiste, avec ses CVs et son téléphone, on le sent dans l'embarras maintenant, avec 10 personnages dans son one-man-show.
C'est qu'il a plus d'un tour dans son sac, notre homme. Et justement il a un beau-frère (ou le cousin du voisin de la mère de la femme en second mariage de son oncle, enfin quelqu'un de très proche quoi) qui tient une agence de voyage: il est justement temps de faire des promotions pour les voyages à Paris, attention nombre de places limitées à 10!
Pour venir en France, les Indiens ont besoin d'un visa. Pour obtenir ce visa, il leur faut aller au consulat de France (à Mumbai... ce n'est qu'à 1000 kms) munis d'une lettre d'invitation. Ca a l'air gérable jusque là. Si ce n'est à leur retour du consulat, quand ils nous annoncent que leur visa de 30 jours commence à courir le jour même... «Mais!... Abruti! le client t'attend dans 25 jours à Paris: tu vas y rester 5 jours peut-être???»

17 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 2

Au centre: La Consultant Company ("Coco")

Coco a commencé comme une boîte de consultance, où on vend du service. Puis s'est transformée en boîte de service de transformation, qui aide ses clients à se réorganiser. Puis l'an dernier, Coco s'est fait racheter par une compagnie Indienne d'élevage d'informaticiens (ils ont un cheptel de 3000 têtes) et s'est donc transformée en boucherie au détail: on écoule de la viande d'informaticien indien à qui veut bien en acheter. Pour l'instant, on les compte encore en "têtes", mais pour faciliter on va bientôt passer au "kilo":
- «Bonjour, j'aimerais 350 kgs de programmeur Java et 280 kgs de programmeur C++ pour ce mois-ci, je vous prie»
- «Voilààà... 362 kgs ça vous va? Et avec ça, je vous mets quoi? Un p'tit chef de projet, quelques sessions de formation? On a une super-promotion sur les spécialistes en prêts immobiliers à risque ce mois-ci: vous en recevez 3 pour le prix d'1!»
- «Allez, soyons fous, je prends la super-promotion alors. Emballez-les bien, c'est pour surgeler»
- «Et hop, emballé, c'est pesé! Je vous fait livrer le tout demain matin à l'adresse habituelle! Bonne journée, madââme!»

Et donc Coco place du consultant et de l'informaticien dans La Banque, selon les principes bien établis de la vente au porte à porte: on passe dans tous les bureaux, "toc-toc, vous auriez pas besoin de quelques kilos d'informaticien par ici?", puis quand on se fait sortir par la porte, on revient par la fenêtre; on joue sur l'affectif des gens ("vous verrez, ils sont très attachants, vous ne le regretterez pas!"), ou sur la jalousie ("Michel, du département Compta, en a pris 14 et il en est très content!"), enfin c'est du grand Benoît Poelvoorde dans les Portes de la Gloire!

12 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - Interlude

Pas de chance pour lui, j'ai un collègue qui est tombé malade. Il a pas fait les choses à moitié, et il est à l'hosto avec une fièvre typhoïde. Ah ça, vistier les pays exotiques, c'est bien excitant mais ça comporte des risques! Et donc le gars est tout tremblant de fièvre, alimenté au baxter, avec l'anus qui prend un air de pompe à bière un jour d'oberbayern.
Après une semaine de ce traitement, il commence à avoir de sérieux doutes sur la qualité de l'endroit et la compétence du médecin qui selon lui veut le garder alité beaucoup trop longtemps, et que d'ailleurs un bon signe qu'il n'est pas soigné correctement est justement qu'il traîne encore là! «Mais ils n'y connaissent rien en médecine ici! Chez moi, ce serait déjà réglé cette affaire!»
Ajoutant probablement à son inconfort, la nourriture qu'on lui sert ne lui semble pas du tout comestible (il y a donc pire que le hospital food: la même dans un pays étranger!). Avec les collègues, on lui apporte donc quelques rations de base, de quoi survivre dans ce monde barbare...
J'ai été le visiter deux fois, et pour ma part j'ai trouvé l'hopital et le médecin tout ce qu'il y a de plus communs. Ca reste l'hotel le plus cher que j'aie vu, mais le service est aux petits oignons...

On en était à arranger avec tout le monde qu'on allait le rapatier anticipativement dès que possible chez lui pour sa convalescence, quand le gars a décidé qu'il voulait sortir dimanche, contre l'avis du médecin, et qu'il allait rejoindre la civilisation, où on allait enfin le soigner comme il faut.

J'ai finalement réussi à le convaincre que ça n'allait pas aller comme ça et qu'il fallait se relaxer et attendre bien sagement que le médecin fasse son travail et que oui, il sait ce qu'il fait et c'est pas un guignol, et qu'il est aussi compétent que ceux qu'on trouve en Inde...
Il va repartir en gardant une idée sympa de la France en tous cas, le bonhomme... Et pour ma part, je me suis rendu compte que dans cette situtation, les scénarios sont parfaitement symétriques et que venir en France représente pour des voyageurs Indiens exactement la même insécurité vis-à-vis d'une destination exotique et un peu sauvage que le voyage inverse à nos yeux...

07 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 1

A ma gauche: Les Français.

Dans cette banque (ça ne sert à rien de la nommer, je suis sûr que c'est toutes les mêmes, ce sera donc simplement "La Banque"), on retrouve les habituels managers (ceux qui causent) et les employés (ceux qui font, et qui sont pour la plupart contractants d'ailleurs). Typiquement, de temps en temps, un manager se dit qu'en plus de causer, il ferait bien de prendre une décision... Aaaaïe, c'est là que les ennuis commencent, l'aurait mieux fait de rester dans le giron de ses compétences, le gars, c'est comme ça qu'on l'aime.
Et donc voilà, ce jour-là le manager de l'informatique, il avait la gueule de bois, il s'était fâché avec sa femme, son équipe favorite avait perdu le match, je sais pas moi, mais il a décidé qu'il fallait outsourcer offshore, c'est-à-dire envoyer du boulot en Inde. Quoi? Comment? Qui? Aeuuuh, sais pas! D'ailleurs une décision par mois c'est bon comme ça hein? après, débrouillez-vous, c'est plus de mon ressort.
Du coup, La Compagnie de Consultance ("Coco") entre dans la danse: La Banque veut des hommes, on va lui donner (louer, eh!) des hommes. Ca tombe bien, c'est justement devenu depuis peu la spécialité de Coco: Louer des hommes.
Le principe est assez simple: La Banque est composée d'une multitude de cellules vaguement organisées en strucutre très peu cohérente, et chacune a droit à son quota de bonshommes: 1 ou 2 par-ci, 10 ou 20 par là (selon la taille de la voiture du chef de cellule, je pense). Après, ses bonshommes, il en fait plus ou moins ce qu'il veut, le chef de projet, de toute façon il doit rendre de comptes à personne. Idéalement, ils devraient travailler sur des projets.

Certaines cellules se sont retrouvées volontaires (bien souvent malgré eux d'ailleurs) pour démarrer l'offshoring. C'est-à-dire qu'au lieu de recevoir des chouettes bonshommes bien de chez nous qui connaissent le dernier bar branché à Paris, suivent le championnat de foot ou encore sont toujours partants pour faire le quatrième à la belote, ils vont recevoir des martiens venus de loin qui n'ont jamais mis les pieds à Paris, suivent le cricket et jouent au mangala, en plus d'accessoirement même pas parler Français et vivre à 8000 km de là! Mais bon, on n'en est pas encore là.

06 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - Prologue

Comme je l'ai déjà écrit, ma mission actuelle c'est de participer à la grande fête mondiale de la globalisation: j'envoie le travail des Français en Inde. L'aventure est probablement assez originale pour mériter un petit feuilleton à épisodes. Après le blog, je publie le livre, on en fait un film co-production Bollywood-Canal+, j'outsource le tout, avec les royalties j'achète un palais à Chennai, j'embauche une armée d'Indiens que je lance à la conquête du monde et je deviens maître du monde, hniyark gnark gnark!

Allez, j'envoie l'épisode 1 demain!

08 septembre 2007

Fri. 24 Aug. - Ocean Size [Jane's Addiction]

Comme promis, une description de "tout le bien que je pense" de WBI, le système que je suis en train d'apprendre, et qui s'inscrit dans la famille très à la mode pour l'instant des EAI - Enterprise Application Integration. La banque pour qui on bosse a décidé de baser toute son informatique sur cet outil.

En un mot, c'est complètement nul. A un point tel que je me demande comment l'abruti qui a un jour (il y a 5 ans) décidé d'acheter cette chose ose encore se regarder dans la glace. Et d'ailleurs, plus fondamentalement, qui sont les débiles mentaux qui ont même eu l'idée de construire un tel outil, pour commencer.

L'outil en question, c'est une belle boîte à outils Fisher Price, avec le gros tournevis rouge, les vis jaunes et le marteau vert. IBM leur a vendu cette chose en leur prétendant qu'on était entrés dans l'ère du «building block» et que ça leur simplifierait la vie («même un enfant pourrait l'utiliser!»), «vous allez voir comment que vous allez réaliser tous les travaux de la maison en un clin d'œil avec ça!» Le clin d'œil à pas louper, c'était celui du commercial d'IBM à son patron.

Et donc voici un résumé de leur situation à l'heure actuelle: ils ont assemblé tous les meubles de la maison avec les grosses vis jaunes en plastique et ils se demandent maintenant pourquoi ça tient pas bien, qu'il a fallu mettre des emplâtres dans tous les sens avec des vraies vis en métal pas belles du tout, et que vous êtes sûrs que ça va tenir l'an prochain, quand on va doubler le volume des transactions?
C'est alors qu'on se retourne vers le commercial d'IBM qui, pas de chance, a pris sa retraîte anticipée avec l'argent de la commission qu'il s'est faite sur cette vente juteuse et qui est quelque part sur une île aux Caraïbes. Quant au service technique d'IBM: «Oh là là, me dites pas que vous traînez encore ce dinosaure? C'est complètement has-been votre truc, sooooo nineties! Non non, on supporte plus cette antiquité depuis des mois! Vous devriez migrer sur notre nouveau produit WPI tiens... d'ailleurs, on va vous envoyer un commercial qui va vous emballer tout ça vite fait, il a justement envie d'aller prendre l'apéro avec son copain en Guadeloupe...»

Jusque là, j'en rigole. Là où le rire jaunit (comme les vis), c'est quand on essaye de m'apprendre (pour que je puisse ensuite diriger une équipe d'Indiens qui feront la même chose) comment utiliser les outils primitifs en plastique de couleur, et comment bidouiller pour en contourner les limitations, pour construire des machins dont je sais bien que je les réaliserais impeccablement en un quart du temps avec mes bons vieux outils standard (et gratuits) que sont java, eclipse et jboss.

Il n'a d'ailleurs pas fallu deux jours pour que l'instructeur, en train de montrer comment utiliser tel ou tel outil de son gadget fisher-price-IBM, nous sorte éclaire un peu sur le fond des choses:
- «Alors ce module-là, 'faut pas faire trop attention, c'est complètement buggé»
- «Mais!?!?... C'est complètement neu-neu ce machin-là!»
- «Maaaais kessqu'il me fait là??? N'importe quoi!» (eh non, pas en parlant de moi... mais de l'outil qui essayait péniblement d'interpréter mon modèle)

06 septembre 2007

Thu. 6 Sep. - Je sais pas [Starbucks compilation]

Je me suis laissé tenter par le mythe: Je suis dans un Starbucks à siroter un caramel macchiato devant mon MacBook connecté au monde (tellement connecté d'ailleurs que j'y rédige ce message).

La musique est un machin un peu mou, une contrebasse et une trompette, un gars avec une grosse voix et le tout fait penser à New York New York

En dépit de toutes ces apparences, je ne suis ni à Manhattan ni à Toronto, mais bien à La Défense, le quartier tout neuf de Paris qui ressemble à Louvain-la-Neuve...

<edit> (voir le commentaire de Jules...)
Une des ressemblances frappantes, c'est les dalles au sol sont les même que celles de la terrasse de la maison de ma famille à LLN :-) A part ça, il y quelques habitation troglodytes qui font très Louvain-en-Woluwe, et puis pas mal de béton nu, comme on en trouve du côté des Sciences. Et puis l'esplanade piétonne, un étage au-dessus des voitures... Mais je reconnais que pour le reste, la forêt de tours en acier et verre ne ressemble à rien, et c'est très laid.

23 août 2007

Wed. 23 Aug. - Why Don't You Do Right [Jessica Rabbit]

Je devrais commencer à mentionner où je suis plutôt que ce que j'écoute. Tout à l'heure, quand je rêvassais à l'élaboration de ce message, j'étais sur la place Victor Hugo, dans le XVIème à Paris. J'imagine que c'est devenu assez difficile de suivre mes mouvements et j'avoue que je me demande parfois où je suis moi-même quand je me réveille le matin.

Enfin, je suis donc ici pour suivre une formation, comme au bon vieux temps! Cool, horaires relax, rien à branler après 5h30, eeeeeaaaasy life! Je dirai tout le bien que je pense du système que j'apprend une autre fois... Je suis accompagné par 6 autres élèves, tous fraîchement engagés par la banque à leur sortie d'école. J'ai donc été délibérément vague quant à la raison de ma présence parmi eux.

En effet, je suis l'avant-garde de l'infanterie asiatique qui, chevauchant le spectre de la globalisation, va déferler céans assoiffée de travail, de prospérité, de croissance et d'argent facile (et de sang aussi, n'oublions pas que ces sauvages mangent leurs enfants hein!). Et donc je me suis dit que j'allais pas clamer tout ça trop fort, question de pas jeter un froid dans la classe en passant pour l'instrument de leur mise à la retraite anticipée imminente.

Ah! S'ils savaient! On est loin du compte! La globalisation vue de l'intérieur, eh bien, c'est tout autant le bordel qu'à l'ordinaire, si pas encore plus. Las! Point d'armée en marche, tous au pas comme un seul homme, courageux comme le puma mais rigoureux et empreint d'abnégation telle la fourmi, ai-je entendu de mes collègues à Bangalore:
- «Faudra faire avec ce qu'on a!» «
- «Puis, faut pas les effrayer, ou les ennuyer avec des jobs moroses, sinon ils démissionnent et vont voir chez le voisin»,
- «Puis faut les faire voyager, on leur a promis pour les faire signer»,
- «'parlent pas un mot de Français: ils sont bilingues Hindi-Kanaataka, ou Hindi-Tamoul, certains parlent aussi un drôle d'Anglais avec des R roulés et des T qui claquent vite»

Et donc moi je dois m'arranger pour que cette bande de saltimbanques s'intègre et collabore efficacement avec les gars d'ici qui se méfient d'eux comme de la peste.



:-) Encore de belles histoires en perspective!




PS: Ah oui, en voyage il faut toujours se plier aux coutumes locales, donc j'ai mangé de l'Andouillette ce midi. Enfin, "manger"... Bref, plus jamais, quoi!
Heureusement, la sole meunière grillée à la perfection de ce soir a redressé la barre...

02 juin 2007

Fri. 1 Jun. - Boys Don't Cry [The Cure]

Et donc je fais quoi exactement de mes journées? Après 2 mois sur ce projet, je suis finalement plus ou moins en mesure d'en attester, je me suis trouvé une occupation.

Client n. 2 (je me souviens plus si c'était le n. 1 ou le n. 2, disons simplement "Client") est une grosse organisation pleine de gens, qui ont chacun une petite responsabilité et on suppose que la somme de toutes ces responsabilités fait avancer le machin. Ca a l'air simple et malin comme organisation, excepté que dans la réalité, les gars prennent un poste, l'occupent un temps, se barrent, se font jeter, sont promus, sont envoyés à l'autre bout du monde, etc. à peu près sans arrêt. En plus, des petits comiques (en general ceux qui viennent d'être promus) trouvent qu'une bonne manière de fêter leur nouveau rôle est de chambouler toute l'organisation. Le résultat de ces deux forces est que chacun se souvient vaguement du gars qui était responsable de ce machin-là il y a quelques mois/semaines/jours, mais ce gars vient juste d'être muté/promu/s'est barré/... et donc personne n'a de vue d'ensemble de l'organisation. Il existe bien des organigrammes, mais en règle générale ils sont vieux de quelques semaines et donc complètement dépassés.

Jusque là, rien que l'ordinaire bien sûr. Mais en plus, il s'agit d'une banque. Je commence maintenant à comprendre ce qu'est une banque, au-delà des images mielleuses matraquées par leurs agences de publicité. Il s'agit d'un paquet de 20.000 personnes qui font ce que 30 personnes pourraient faire avec un système informatique bien foutu. Rien de bien malin, il s'agit juste de faire des calculs comptables un peu complexes et basés sur des règles débiles. Pourquoi tant de monde? Eh bien, parce les systèmes informatiques ne sont pas bien foutus, pardieu! Donc il faut des régiments d'employés laborieux pour corriger et faire manuellement tout ce que ces systèmes font de travers, plus des cohortes d'informaticiens de tous poils pour tenter d'arranger lesdits systèmes, ajouter un petit module par-ci, une petite extension par-là, une petite emplâtre ici et mettre un cadavre dans le placard la-bas.

Quand on rapproche les deux paragraphes précédents, on comprend vite que personne ne comprend comment ça marche. Chaque manager n'a qu'une idée en tête: ne surtout pas faire un projet de travers qui risquerait de faire exploser tout le bazar. Pas faire le malin, pas tomber dans le ravin! Le placard acceptera bien un cadavre de plus, on peut encore mettre un bon tas de crasses sous le tapis, non? C'est comme le jeu de la bombe, de temps en temps ça saute, la banque fait la une des journaux, on fait sauter le malchanceux qui etait "responsable" du problème, on amène quelques pompiers pour régler l'incident a coup de sparadraps et de bouts de ficelle puis quand ça s'est calmé, on se dépêche d'oublier l'incident et de laisser traîner les réparations de fortune en l'état, remettant ainsi le compteur à zéro pour la bombe suivante...

Fri. 1 Jun. - Plague [Courtney Love]

(Suite de ci-dessus)
La force humaine de la banque est divisée en deux catégories: les employés et les managers. Les employés font laborieusement la tâche qui leur est assignée, jour après jour, et en fin de compte connaissent leur matière à fond, mais ne savent rien de ce qui se passe autour d'eux. Les managers en revanche, ne travaillent pas, ils passent leurs journées dans des réunions (en salle de réunion, en lunch d'affaire, en télé- ou vidéo-conférence, ici ou de l'autre côté de la Terre,...). Assez souvent, le manager a été employé avant d'être manager.
Voici à peu près le resultat en terme de ce que je peux attendre de l'un ou l'autre:

Le manager:
- est a son poste actuel depuis 6 mois ou moins. Probablement déjà en train de viser la mutation suivante,
- est toujours disponible pour que je le rencontre, et il est à l'aise dans la salle de réunion,
- il sait toujours tout, il répond à toutes mes questions. C'est seulement après que j'apprends que ce qu'il me raconte date de quand il était lui-meme employé (il y a 3 ans, parfois bien plus), à l'époque où il savait des choses. Depuis qu'il est manager, il ne sait plus rien de neuf, et ses connaissances sont en processus d'obsolescence rapide.
- est toujours positif sur la possibilité de changer les choses, de faire evoluer les systèmes etc.
- connaît les noms de tous les autres managers de l'étage (connaissance très à jour, parfois même en avance sur les annonces officielles), en particulier ceux qui pourraient l'aider a gravir un échelon à la fin de l'année


L'employé:
- est a son poste depuis 18 ans et n'en bougera que si l'immeuble s'effondre,
- n'a pas le temps de me voir, il a autre chose à faire, bordel.
- n'est a priori pas à l'aise dans la salle de réunion, il a envie de se barrer parce qu'il a un truc urgent a résoudre (re-virgule, bordel),
- est tout de même plutot content de parler de ce qu'il sait
- sait de quoi il parle. Quand il affirme un truc, c'est vrai et c'est la situation de hier soir au plus (pas d'il y a 3 ans)
- est très réticent au changement et à la nouveauté. «Est-ce qu'il y a moyen de ...» - «Rhaaa, non, ne m'en parlez pas, c'est pas possible!! Ca me rappelle avril 1989 quand tout le système s'est planté parce qu'on a fait une migration foireuse!»
- connaît son chef et le gars avec qui il va prendre les pauses café.
- attend sagement le debut de l'année suivante pour pouvoir se plaindre de ne pas avoir été augmenté/promu cette année.

Mon boulot est donc un drôle de mix entre le détective et l'historien, ou je collecte de nombreux témoignages et documents d'époque (le plan des réparations de mai 1989, par exemple), je recoupe, je rapproche, je confronte et j'essaye de faire éclater la vérité (souvent, à la surpise de l'un ou l'autre manager qui a du un peu perdre le fil des évolutions, depuis 1994).

19 mai 2007

Wed. 16 May - Starblood [Cranes]

Ah merde, ça y est, client n.2 s'est aperçu que le petit jeu d'expatrier des Canadiens à Manhattan ça coûte bonbon et que finalement ils veulent pas payer. Donc petite réunion de crise dans l'équipe, appel aux bonnes idées, voyons voir comment se sortir de ce mauvais pas:
- Camping dans central park?
- Pas permis.
- Dormir dans la salle de projet?
- Non, on veut pas subir les odeurs de sales chaussettes le lendemain matin.
- Remplacer les taxis par des trains
- Euh, oui, je le fais déjà, et on parle de genre 1 à 2% du budget...

J'ai pas trop compris pourquoi la solution tout à fait logique de me remballer à Toronto n'a pas été soulevée (après tout, dans mon rôle d'expert technique, je suis assez bon pour partager mon ignorance totale du domaine et des systemes archaïques qui le composent), je suis toujours complètement abasourdi par le fait que sur toute la population consultante de Capco New-York, il n'y en a pas un qui est foutu de faire ce que je fais ici (qui n'a de technique que le nom: En fait, c'est plutôt un boulot de bibliothécaire, ou d'archéologie, voire de paléontologie: chercher des squelettes, des ruines ou des restes, et tenter d'ordonner tout ce foutoir en une classification qui a du sens).
Enfin, une solution avancée (à part celle de magouiller les contrats - au passage, j'ai appris que le nôtre n'était pas signé, tiens, c'est serieux tout ca! - trafiquer les affectations etc.) est assez logiquement de prendre des appartements moins chers. Il faut savoir que ma voisine de palier, qui a le même appartement que le mien, en version bail ordinaire sans meuble et sans service, paye la moitié du prix. A cce prix-là, je suis sûr qu'on amorti les meubles en 2 mois!

Donc je m'attends à ne plus jouir du splendide appart de luxe juste à côté de Central Park d'ici le mois prochain. Comme d'hab, la décision sera prise au dernier moment, donc je m'attends aussi à dormir dans le métro un jour ou deux, mais bon on verra de quoi demain est fait.

08 mai 2007

Tue. 8 May - Canon en D [Pachelbel]

Ce matin, deux violonistes ont illuminé ma journée à coup de Pachelbel dans la gare. C'était le point culminant de ma journée.

La semaine dernière, pendant que je racontais mes aventures à l'un ou à l'autre en Belgique, mes infortunés collègues ajoutaient un peu d'eau et de sang à mon moulin en se faisant écrémer par un gang de clients lors d'une réunion épique chez client n°1; mon chef de projet infatiguable (... et pourtant, il essaye dûment, à coup de nuits blanches et autres horaires de travail débiles!) mis KO à travers la liaison de la conférence téléphonique...

De retour sur le champ de bataille ce matin, j'arrive dans le chaos complet qui précède une réunion-fleuve de 20 personnes (fois 5h, faites le compte, ça fait 12 jours de travail, bardaf!). La partie sur laquelle je travaillais il y a 10 jours a été déscopée (euh, en français... dégommée peut-être?) violemment, les priorités ont été complètement chamboulées et on a fait venir en urgence une nouvelle intervenante de Toronto, qui va jouer à être co-chef de projet. Elle va aussi jouer au pompier (meuh non, pas faire des pompiers!), c'est-à-dire éteindre l'incendie qui fait déjà pas mal rage dans le projet qui a tout de même commencé il y a tout 3 semaines!
En ce qui me concerne, il semblerait que ce client-là n'a donc absolument pas besoin d'un gars avec mon expertise, ce qui présage pour l'avenir proche:
1) Qu'ils décident de se passer de mes services, ou
2) Que je devienne subitement le «spécialiste» d'un truc dont je ne sais rien, ou
3) Que je continue à faire du brol vaguement productif, vaguement mi-utile et totalement sous-intéressant
4) J'ai amené quelques mignonettes Côte d'or qui ont été très appréciées... Je peux continuer sur ma lancée et me spécialiser en service traîteur pour l'équipe: café, petites gâteries, massages, faire les lits de ceux qui décident de dormir dans les bureaux,...

Je pense que le client n°2 est plus relax que celui-là, mais à force, si on continue à se concentrer si intensément sur l'objectif de faire foirer le premier, on va réussir à l'impatienter et on va foirer ce projet-là aussi, sans même y avoir fait quoi que ce soit, c'est même pas drôle!


A propos de mon chef de projet, le foireux en chef, j'ai compris lors d'une soirée arrosée (chez moi d'ailleurs) pourquoi il est comme ça: C'est un «On en rira dans 10 ans!», et un champion dans sa catégorie, qui serait plutôt «On en rira dans 10 jours!»: il racontait déjà, en se marrant, l'épisode de cette course en voiture où on a tous failli perdre la vie!

22 avril 2007

Fri. 20 Apr. - Pink Orange Red [Cocteau Twins]

Un petit update s'impose quant au déroulement du projet... Ca dépasse tout entendement! Le chef de projet ressemble un peu à Garcimore, en particulier sur ses talents de magicien: c'est le roi de l'illusion! Genre plonger tout le monde dans le brouillard, multiplier les vérités, ou faire disparaître le temps!

Ma vision de la direction de projet, c'est qu'il s'agit de maintenir un équilibre entre deux forces: d'une part, les circonstances, les imprévus et les gens sont source d'entropie et augmentent le désordre; d'autre part le chef de projet agit et met en place des processus et des outils pour organiser et structurer le travail et ramener l'entropie à un niveau gérable.

Dans ce cas-ci, le gars a à peu près autant de structure qu'un babouin hyperkinétique, les mots ne lui viennent pas facilement pour exprimer les vagues idées élusives qui émergent diffusément du brouillard de son cerveau et il a le don de multitasking: foirer plusieurs trucs en même temps!
Comme il dirige deux projets simultanés (plus quelques autres initiatives dont je ne veux rien savoir), ça lui arrive typiquement pendant une réunion chez client n°1 de passer une demi-heure au téléphone avec un gars de client n°2, ce qui est d'autant plus fâcheux que c'est lui qui dirige ladite réunion et que du coup les autres glandouillent en le regardant téléphoner...

A propos de réunion, vous savez bien que leur succès dépend plus ou moins de
1) une bonne préparation
2) un ordre du jour clair
3) une conclusion sous forme de liste d'actions
Donc:
1) il commence bien sûr à préparer une réunion à peu près à l'heure arrangée de son début, engendrant un retard variable entre 30 minutes et 2 heures. Les documents sont distribués dans la précipitation et ne valent en général pas grand chose
2) la réunion s'apparente à une causerie au club des bigotes de la paroisse: une litanie de ragots et de commérages sans queue ni tête
3) après quelques interruptions pour cause de téléphone, la réunion se termine précipitemment parce qu'il est en retard pour la suivante.

Autre attribution du chef de projet: répartir les tâches et suivre leur réalisation. Il m'a tout de même fallu près de 3 jours pour obtenir 15 minutes de son temps pour valider mon approche de ma part du travail. Question suivi, j'ai appris qu'il passe en général la nuit précédent la livraison d'un rapport à le revoir de fond en comble.

Et finalement, il lui revient de gérer le client et ses attentes: Selon lui, c'est très simple: il s'agit de dire oui-oui à toutes ses demandes et ses caprices. Surtout ne jamais dire "non" ou "on va réfléchir à la question", on pourrait avoir l'air malin et on n'est pas payés pour ça!

Bon, en conclusion de tout ça, j'imagine que je vais devoir instiguer un putsch. Quelqu'un voit une autre issue?