30 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 7

La mi-temps

Pour fêter la fin de leur séjour, on a décidé de les amener dans une boîte. Une vraie, avec une sono et Village People et Soft Cell, la bière à 15Euros et tout le monde qui se trémousse.
Ils se sont compètement pris au jeu, ont dansé comme des macaques, se sont attaqué à tout ce qui bouge (ils sont mariés, au passage) et ont pris la moitié de la boîte en photo, genre (à un gars): tu peux me prendre en photo avec ta copine?
J'ai failli m'écrouler de rire quand j'en ai vu un s'approcher d'une nana qui dansait sur une table, se poster juste en-dessous d'elle et se mettre à la siffler avec un gros rire bênet.

Au cœur de la globalisation - 6

Première mi-temps, en coulisses

On m'avait décrit les Indiens comme un peu taciturnes, frileurx et pas trop sortir, genre boulot-dodo (oui, on les a logés à côté des bureaux, donc pas de métro).
Quand, après 3 jours à Paris, ils ont passé le week-end à Eurodisney, j'ai révisé mon jugement... Pour la suite des opérations, il visaient le Moulin Rouge, et le tour d'Europe, parce que Paris c'est un peu petit et on a vite fait le tour hein? Après avoir beaucoup étudié les possibilités d'aller à Rome (c'est dommage tout-de-même que le train mette 10h pour couvrir les 1200kms, c'est un peu long... En Inde, dans le même temps on atteint tout de suite la prochaine ville à 400 kms), ils se sont finalement contentés de Notre-Dame et le château de Versailles, jugeant les trains/avions/autos/bus européens scandaleusement chers.
Ils ont au passage pu goûter à l'autre particularité des transports français: la grève. Pour une raison que je ne pense pas être arrivé à leur expliquer complètement d'ailleurs (les régimes spéciaux de retraîtes, ah bon?)

On a aussi eu droit à un forum des employés de notre compagnie (on n'est plus au temps où ils se passaient dans des Hotêls de rêve aux Bermudes, mais on a tout-de-même eu droit au champagne dans la salle de réunion du siège à Paris), occasion pour notre PDG d'exhorter les troupes et répéter notre stratégie pour conquérir le monde. Ca tombait assez bien, il faut dire, que pour illustrer ladite stratégie, il y avait justement ce jour-là une dizaine d'Indiens: «Ils sont là, ils existent pour de vrai, voyez, on ne raconte pas [que] des mensonges!» Et donc, pour faire sympa, il fait un tour de présentation. A la fin duquel, un de mes gars lance: «Et tu es qui, toi?», qui a fait rire toute l'audience.

Wed. 28 Nov. - Motorcrash [Les sugacubes]


Je suis dans le taxi qui me ramène du boulot, coincé comme de bien entendu dans les embout', et en regardant autour de moi, partout, je vois des rickshaws.

Et je ressens une espèce de nostalgie anticipée à l'idée que bientôt, ces erreurs de la nature auront vécu et qu'on en sera débarrassés (et pour preuve, il n'y en a pas dans les rues de Bruxelles par exemple).
Ces machins puants, bruyants, pas sûrs du tout, faits de bric et de broc et rapiécés de toutes parts, pas fiables, marchant au 2 temps, une technologie complètement dépassée et qui néanmoins et contre toute logique, pulullent comme des cafards et sont partout, ce n'est pas sans rappeler cette autre calamité qu'est Microsoft Windows, tiens...
A la question "Peut-on vivre sans Rickshaws?", un Indien répondrait certainement par la négative. Or je sais, moi, que la réponse est "oui": donc, ça doit être vrai pour l'autre aussi :-)

26 novembre 2007

Mon. 26 Nov. - Tra la la hop hop [Le passage musical d'un film Bollywood]

Ah, ça chauffe aujourd'hui! Le développeur qui doit se faire comprendre par gestes et petits dessins est en passe de se faire jeter. Il a dû faire son petit dessin de travers, ou faire un geste obscène, je sais pas, toujours est-il que de l'autre côté, ça n'est pas bien passé et ça s'est mis à faire appel à du manager et comme on le sait bien, une fois que ceux-là s'en mêlent, c'est le bordel!

Je me suis donc retrouvé dans une conference call avec 5 ou 6 managers de tous bords, chacun y allant de sa petite anecdote ou remontrance, ça veut comprendre, ça résume, ça détaille, ça contextualise, ça relativise, ça pinaille, ça digresse, ça veut être bien clair là-dessus, ça n'aimerait pas qu'on prenne une décision hâtive, ça ne voudrait pas qu'on s'alarme pour si peu mais tout de même, ça devrait se discuter dans telle réunion, ça explique, ça n'écoute pas, ça papote, tous ensemble, ça cacophonise et, après une demi-heure, trois quarts d'heure à ce petit jeu, surtout, surtout, surtout ô grand Surtout, ça ne décide juste rien du tout.

Retour à la case départ.

Le gars va pouvoir encore faire des coloriages pendant un tour. La prochaine fois qu'il dépasse j'aurai droit à une nouvelle séance de commères. Ou alors, il sera effectivement jeté, décision prise "d'en-haut" par "on ne sait qui" et que j'apprendrai tout-à-fait par hasard en l'entendant dire dans la file d'à-côté à la cafet' à l'heure du café.

25 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 5

Première mi-temps: Les Indiens dans la ville

Trève de préparation et de tourner autour du pot, place à l'action:
Début octobre, l'équipe de Bangalore, fin prête, débarque à Paris pour la première mi-temps. On a réussi en dernière minute à avoir un visa pour chacun (en demandant pour certains un visa belge pour corriger le tir du visa français foireux... bah, c'est toudi la même chose non, en anticipant un peu le rattachement?), ils se sont acheté des pulls et des vestes pour affronter les températures extrêmes du grand Nord, on leur a donné un cours accéléré de "bonjour" et "s'il vous plaît"; ils sont gonflés à bloc.

Les premiers sont reçus aux petits oignons, avec introduction personnelle au métro, plan de Paris et bons plans à Paris, discours de bienvenue, t-shirts et tout le toutim.
Arrive le moment d'en découdre: on met les deux équipes en présence (avec arrivée sérieusement en retard de la mienne, faute que je pourrais facilement leur faire endosser même si la vérité est simplement que j'ai pas réussi à me lever à temps). On présente les futurs collègues les uns aux autres, Gopinath va travailler avec Abdallah et Shantakumar avec Sun-Li (oui, comme au foot, l'équipe de France est issue de la Grande France).
En général, on se retrouve avec:
- 1 gars qui parle Hindi, Telugu, Bengali et Indlish,
- face à 1 gars qui parle Français, Arabe, Berbère et Franglais.
Parmi les choix possibles, on évite le Telugu-Berbère au profit de Indlish-Frangalis, avec des résultats varibles. Plutôt bons dans le cas du Français qui est originaire du Pakistan et parle l'Anglais d'Oxford. Plutôt mauvais dans le cas du Français qui se souvient vaguement que son tailleur est riche, mais son Anglais s'arrête là. Ceux-là se retrouvent donc à devoir communiquer par gestes et petits dessins (ou encore, par écrit, en passant tout dans Google Translate).

Dans le même genre d'ailleurs, en plus d'une langue étrangère, il faut compter avec un clavier étranger: ces claviers bizarres où pour taper un "Q" il faut appuyer sur "A", etc... Ils sont habitués au QWERTY et ont eu du mal à se faire aux claviers français. Et comme dans toute bonne administration, on a commandé des claviers QWERTY qui sont arrivés le lendemain du départ des gars.

Premier temps de midi, premier lunch: j'emmène mes camarades pour un lunch typique du coin: la baguette jambon-beurre. Palabre de 20 minutes devant le comptoir, pour leur traduire tout l'étalage, leur expliquer ce qu'est le jambon, le thon, et pourquoi on n'a pas faire cuire la salade, plus embarras de la serveuse à trouver un sandwich végétarien.
Verdict: C'est fade, et c'est dur à croquer, ça fait mal en bouche, mais la salade de thon c'est pas mauvais.

Sun. 25 Nov. Another day in Paradise - [Les deux gars qui jouent du blues sur la terrasse de l'hôtel]

Au cœur de la globalisation - Je me sens moins seul

J'ai rencontré dans la piscine de l'hôtel ce Français, qui fait le même job que moi pour une autre banque: ils ont un centre offshore ici depuis quelques années, qui n'a jamais rien fait de bon. Jusque là, c'était toujours resté en-dessous du radar, mais récemment ils s'en sont inquiétés et donc le voilà, avec la mission de redresser la situation.

Ca fait tout de suite plaisir de se sentir moins seul et de partager nos déboires, observations et approches de solution: En résumé, Les Indiens sont très gentils, serviables, accueillants, pleins de bonne volonté, techniquement compétents, mais n'y connaissent rien en finance, ne sont pas rigoureux ni très organisés, et entrent très facilement dans un mode "veille" où ils ne font plus rien. Quant à avoir comment faire marcher tout ça convenablement, tout le monde y va de sa propre interprétation de la méthode "Agile": développement itératif avec feedback rapide (et qui se transforme souvent en micro-management à la Big Brother d'ailleurs)

23 novembre 2007

Fri. 23 Nov. - Love fool [Cardigans]

Coup de blues

Faut bien que ça arrive de temps en temps: j'ai un p'tit coup de blues.
Ce matin, mon collègue de Toronto est resté chez lui pour cause de malade, et du coup, je suis au bureau sans aucune connaissance de longue date. Tous mes collègues Indiens sont vraiment sympas, accueillants, charmants, attentionnés (et d'ailleurs ils viennent de m'inviter pour le lunch), mais je sais pas, je ressens là maitenant un besoin de... familiarité, plus que d'attention. Le genre de moments où j'ai envie de m'affaler dans un canapé chez les parents, ou dans les bras de Kalila, ou chez des bons amis qui parlent ma langue, voire même peut-être tout seul en écoutant un bon vieil album des Cure chargé d'un bon gros paquet de nostaligie remontant tout droit à l'adolescence (arme à double tranchant: on peut aussi verser dans la déprime solo là).

Peut-être le bon moment pour sortir faire un jogging?

Hier, j'ai assisté à une présentation sur la méditation et la santé. Un des collègues un peu versé dans tous ces machins a partagé sa vision et ses bonnes pratiques avec nous.

Présenté à coups de concepts qui heurtent violemment ma vision très scientifique et rationnelle du monde (le coup du stress représenté comme des flux d'énergie qui pénètrent notre corps par des chakras, points d'entrée spécifiques, et qui n'arrivent pas à entrer en résonnance avec les fréquences propres du corps pour nourir notre aura énergétique — irais-je même jusqu'à dire «un fatras de fadaises»?), j'y reconnais néanmoins une tentative d'expliquer des concepts qui sont eux, tout-à-fait palpables, sinon carrément universels.

Par exemple, je suis entré en résonnance (il a dû tomber sur le bon chakra) sur son modèle d'interaction de l'homme et du monde:
Le monde est composé des 3 choses : les objets, les gens et soi-même;
Pour interagir avec ces 3 choses, on devrait idéalement utiliser (dans le même ordre): son intelligence/raisonnement, ses émotions, la méditation/spiritualité;
Et si cela est fait correctement, cela nous apportera (toujours dans le même ordre): la joie, l'amour et la paix.
Et comme il y a partout des gars comme moi qui aiment tout mesurer et mettre en nombres, on a inventé les Quotients Intellectuel, Emotionnel et Spirituel. Ayant déjà vu les âneries pas possibles qu'on utilise pour mesurer le QI, j'en frémis quant à l'idée qu'on puisse tenter de "mesurer" les deux autres...


| objets | intelligence (QI) | joie |
| gens | émotions (QE) | amour |
| soi | méditation (QS) | paix |


Puis d'enchaîner avec les déboires d'utiliser le mauvais outil pour une chose, du genre aimer sa voiture ou méditer sur les autres (ou encore analyser les autres et soi-même, tiens...)

S'adressant à un public d'ingénieurs, je suppose que la dérive la plus probable est celle de vouloir mettre en équation ses relations aux autres et la compréhension de soi; je ne pense pas que je puisse honnêtement réfuter tout ça ;-)

Allez, petit atelier personnel: A qui vous fait penser chaque association, du genre "aimer soi-même" ou "méditer sur son iPhone"?

21 novembre 2007

Wed. 21 Nov. - Euh, voir en-dessous

Dans la série "And now, something completely different", ça faisait longtemps que je n'avais plus médit de Microsoft, tiens, probablement lié au fait que je ne subis plus leurs méfaits au jour le jour.

Et donc, venu tout droit de chez les copains:

ceci...

et

Au cœur de la globalisation - 4

A ma droite: Les Indiens.

L'Inde, pays magnifique et mystérieux, au senteurs exotiques et envoûtantes, etc. etc. et où les fermes à informaticiens poussent comme des champignons.

Le truc dommage à Bangalore, c'est que tout ce bétail qui bosse dans les campus (buildings tout neufs, de verre et d'acier, assez semblables à ceux qu'on trouve chez nous), n'y est pas logé. Donc ça fait pas mal de monde qui circule dans tous les sens les matins et les soirs. Etonnamment, les seuls qui restent sereins dans tout ce bordel, ce sont les vaches sacrées à qui tout le monde fout la paix et qui peuvent aller paître où bon leur semble. Pour les autres, c'est la bagarre pour traverser la ville et arriver au bureau avant midi (ou arriver chez soi avant minuit, dans l'autre sens).
La conséquence immédiate, c'est qu'il n'y a pas un chat dans les bureaux avant 10h du matin (ne me demandez pas comment moi j'y étais, à cette heure-là, ça tient de l'exploit!). Et comme il faut éviter les embout' du soir, il faut quitter vite vite avant 18h. La philosphie régnante ici, vous l'aurez compris, c'est "pas pousser bobonne", ou "pourquoi faire aujourd'hui ce que je pourrais prétendre faire toute la semaine prochaine?".

Einstein a dû penser à son principe de la relativité du temps après un voyage en Inde: toutes les durées y sont dilatées. Il y a, en occident, une espèce de crainte de l'ennui qui fait que les gens en général débordent de créativité pour occuper leurs temps morts. Si j'attends un coup de téléphone dans 15 minutes, je vais faire autre chose en attendant: écrire un mail, parler à machin, lire un truc, n'importe quoi (et me mettre en retard pour le coup de téléphone, d'ailleurs au passage)...
En Inde, si on attend un truc dans 15 minutes, pas de problème, on est zen: en attendant, on attend. Ils ont cette incroyable faculté complètement cool de pouvoir attendre sans trépigner, sans devenir fous.
Là où ça devient comique aussi, c'est que comme c'est une activité normale d'attendre, personne ne vient se plaindre qu'il est en train d'attendre. Par exemple, j'assigne une tâche à un développeur. Il a un problème de connexion qui l'empêche de travailler. J'appelle le service qui règle les problèmes de connexion, et lui suggère quelques pistes d'autres trucs à faire en attendant. 3 jours plus tard, je retrouve le gars, il attend toujours qu'on lui règle son problème pour commencer à bosser... Et en attendant, ... il a attendu. Et pas foutu une bille.
Un autre exemple, je leur demande (aux 10 gars de l'équipe) un rapport de leur activité du mois de septembre: c'est sans ciller qu'ils me répondent qu'ils ont passé 60 jours à obtenir leurs visas (soit un tiers du mois). Après, c'est mon problème de présenter au client un rapport un peu moins couillon et d'inventer ce qu'ils auraient bien pu faire pendant ce temps s'ils n'avaient pas bêtement attendu que le formulaire arrive par la poste...

Un autre élément facilitateur de non-travail, c'est qu'ils sont fragiles. Il n'est pas rare que l'un de leurs proches tombe malade. Sa mère. Ou son cousin. Ou le père du frère de la femme par deuxième mariage du cousin, celui qui habite à la frontière du Bangladesh («un proche!! On a gardé les cochons ensemble!» — Quels cochons, au fait??). Et comme il faut être solidaire avec la famille, il faut bien que quelqu'un se dévoue pour aller au chevet du malade, vous comprenez bien. A ce sujet, on médisait d'ailleurs (entre Belges) qu'elle serait vachement heureuse, la malade, de voir à son chevet ne fût-ce qu'un dixième des proches qui prétendent y être...

Parfois, ils sont un peu cassés eux-mêmes, ce qui n'est finalement pas très étonnant au vu du champ de bataille dans lequel ils sont fourrés, matins et soirs, sur les routes, juchés à 2 ou 3 sur leurs vieilles guimbardes 125cc au milieu des voitures, rickshaws, camions et vaches sacrées.

20 novembre 2007

Mon. 19 Nov. - Les brunes comptent pas pour des prunes [Lio]

Alors là, je rêve!!!
J'ai lu dans le Times of India ce matin que le 19 Novembre avait été déclaré le "jour de l'homme", parce que quand même, dans ce pays (et probablement dans un bon 189 des 193 autres aussi), certain(E)s bafouent allègrement et sans vergogne les droits fondamentaux des hommes (par ex. celui de requérir que la bière soit servie bien fraîche devant le cricket, ou celui de ne pas se faire déranger par des conversations téléphoniques intempestives pendant le match, ou encore que ces enfants pourraient pas arrêter de brailler cinq minutes, non, c'est quand même pas la mer à boire!, etc.). En citant (sans rire*) que les 364 autres jours de l'année, les hommes doivent supporter des sarcasmes, et de rappeler que «Qui c'est qui a marché sur la Lune, découvert la théorie de la Relativité, ou vaincu l'Everest, hein? hein?»

(*) A moins que le 20 Novembre soit leur 1er avril et que je me suis fait avoir?...

19 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 3

Le Scenario

Première étape de la mission: collecter les demandes.
Il s'agit de faire le tour des chefs de projets qui ont passé commande pour avoir de l'Indien, et rédiger des bons de commande. Ca ressemble en gros à "je veux un développeur qui connaît java", ou "... connaît c++". Les plus malins d'entre eux rusent: "... qui connaît java, parle Français couramment et sort de Polytech". Eviter toutefois le "... connaît java, le whist, la belote et s'y connaît bien en bons vins", ça donne trop la mèche quant à ce qu'on fout vraiment dans cette cellule-là.
Ensuite, quand on a un bon paquet de demandes (disons 10), envoyer le tout au grossiste en Inde.

Deuxième étape, en Inde: le recrutement.
Quand le grossiste, en Inde, reçoit les bons de commande, il doit s'arranger pour envoyer des CVs de gars qui correspondent au profil. Donc il prend sa machine à écrire, invente 10 noms exotiques (par exemple Shantakumar, ou Gopinath... plus ça sonne bizarre, plus ça fait authentique) et crée de toutes pièces 10 CVs qui correspondent justement aux commandes. Le gars a tout de même un talent: il sait faire des voix et imiter les accents. Parce qu'après, il doit se faire passer pour ses 10 gars différents pour faire les interviews. Oui, mais ... côté contenu des interviews? Boarf, l'interview se fait en anglais, par téléphone, avec un Français. Il pose des questions, on massacre un peu l'anglais en baratinant n'importe quoi: après 3 ou 4 essais, il se lassera de demander de répéter la réponse...

Etape rien que pour rire: les changements d'avis
Du côté Français, c'est pas tout de passer commande de bonshommes, après il faut aussi changer d'avis. Finalement, le projet se fait pas / est retardé / on a tout changé / on a redéfini les priorités / on vous avait donné la liste de l'an dernier / ah non, c'est la liste des courses, ça... Les raisons sont nombreuses, et en tous cas les changements aussi: «Mais non, pas 3 "java": 1 "c++"», «Ah oui, il doit comprendre le Portuguais aussi», etc.

Etape "rions aussi": réagir au changement
C'est là que la compétence du grossiste fait toute la différence, et qu'on voit que c'est un vrai métier. Il doit continuer à faire coller ses CVs aux demandes, voire jongler un peu, permuter de ci de là... mais surtout pas s'emberlificoter dans ses bidouilles, parce que s'il tombe sur un coriace de l'autre côté, il pourrait en résulter une sérieuse baisse de crédibilité (genre le développeur qui change subitement de sexe, ou qui passe à 12 ans d'expérience alors qu'il a 23 ans, etc.).
Au terme de cette étape, on devrait obtenir une liste de sièges (jobs) et une liste de personnes (ressources), et même une correspondance entre les deux, qui fait qu'on sait qui mettre où.

Troisième étape: l'onboarding
Assez curieusement, envoyer du travail offshore commence par faire venir les gars en France. C'est ce qu'on appelle l'onboarding: monter à bord. Ils doivent venir à Paris montrer leur binette, faire un joli sourire, puis subir un transfert de connaissances. De manière à maintenir l'illusion que quand ils retourneront en Inde, ils vont travailler, et pas seuelement regarder le cricket.
Oui mais, là où avait laissé notre grossiste, avec ses CVs et son téléphone, on le sent dans l'embarras maintenant, avec 10 personnages dans son one-man-show.
C'est qu'il a plus d'un tour dans son sac, notre homme. Et justement il a un beau-frère (ou le cousin du voisin de la mère de la femme en second mariage de son oncle, enfin quelqu'un de très proche quoi) qui tient une agence de voyage: il est justement temps de faire des promotions pour les voyages à Paris, attention nombre de places limitées à 10!
Pour venir en France, les Indiens ont besoin d'un visa. Pour obtenir ce visa, il leur faut aller au consulat de France (à Mumbai... ce n'est qu'à 1000 kms) munis d'une lettre d'invitation. Ca a l'air gérable jusque là. Si ce n'est à leur retour du consulat, quand ils nous annoncent que leur visa de 30 jours commence à courir le jour même... «Mais!... Abruti! le client t'attend dans 25 jours à Paris: tu vas y rester 5 jours peut-être???»

17 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 2

Au centre: La Consultant Company ("Coco")

Coco a commencé comme une boîte de consultance, où on vend du service. Puis s'est transformée en boîte de service de transformation, qui aide ses clients à se réorganiser. Puis l'an dernier, Coco s'est fait racheter par une compagnie Indienne d'élevage d'informaticiens (ils ont un cheptel de 3000 têtes) et s'est donc transformée en boucherie au détail: on écoule de la viande d'informaticien indien à qui veut bien en acheter. Pour l'instant, on les compte encore en "têtes", mais pour faciliter on va bientôt passer au "kilo":
- «Bonjour, j'aimerais 350 kgs de programmeur Java et 280 kgs de programmeur C++ pour ce mois-ci, je vous prie»
- «Voilààà... 362 kgs ça vous va? Et avec ça, je vous mets quoi? Un p'tit chef de projet, quelques sessions de formation? On a une super-promotion sur les spécialistes en prêts immobiliers à risque ce mois-ci: vous en recevez 3 pour le prix d'1!»
- «Allez, soyons fous, je prends la super-promotion alors. Emballez-les bien, c'est pour surgeler»
- «Et hop, emballé, c'est pesé! Je vous fait livrer le tout demain matin à l'adresse habituelle! Bonne journée, madââme!»

Et donc Coco place du consultant et de l'informaticien dans La Banque, selon les principes bien établis de la vente au porte à porte: on passe dans tous les bureaux, "toc-toc, vous auriez pas besoin de quelques kilos d'informaticien par ici?", puis quand on se fait sortir par la porte, on revient par la fenêtre; on joue sur l'affectif des gens ("vous verrez, ils sont très attachants, vous ne le regretterez pas!"), ou sur la jalousie ("Michel, du département Compta, en a pris 14 et il en est très content!"), enfin c'est du grand Benoît Poelvoorde dans les Portes de la Gloire!

16 novembre 2007

Fri. 16 Nov. - Creep [de, mais pas par, Radiohead]

Le titre tombe assez bien, je vais causer de politique.

Depuis que j'ai adopté le Google reader, je suis devenu assez assidu aux nouvelles (notamment, et sans grande orignialité, Le Soir), qui me permettent de suivre le feuilleton fleuve de la politique belge, et tout le reste. C'est ainsi que j'ai appris, amusé, que les partis d'extrême droite européens, qui s'étaient unis pour former un groupe parlementaire reconnu et subsidié (eh oui...) se sont chamaillés, ont joué à «T'es plus mon ami!» et du coup le groupe a implosé et paf, plus de subsides!

C'est malin aussi, d'essayer de regrouper des gens qui ont comme idéal commun... la haine de l'autre! Ca marche quand on est deux et qu'on peut se renforcer à haïr un troisième, mais dans l'Europe des (combien encore? 15, 20, 25?), on va vite se retrouver à haïr le gars qui s'assied à la même table évidemment! Et donc voilà, comme tout le monde là-dedans n'a pas eu le bon goût de haïr en-dehors de l'Europe, ça a merdé quand la parlementaire italienne a dénigré les Roumains (qui à leur tour haïssent probablement les Hongrois, qui eux haïssent les Slovaques etc. etc.) et que les derniers sont partis en claquant la porte.

Vraiment, des querelles de cour de récréation!

Comme si on faisait ça, chez nous tiens! Essayer de former un gouvernement avec les andouilles régionalistes de tous poils, tiens, le FDF et la NVA par exemple...

Fri. 16th Nov. - We Shall Overcome [Joan Baez]

J'ai trouvé qu'ici les gens aiment en général faire simple. Par exemple pourquoi s'encombrer d'un volumineux code de la route quand quelques panneaux montrant les infractions et leur coût c'est bien plus simple et efficace. Et en jetant un œil auxdites amendes, eh bien, on se rend compte qu'on n'est en effet pas chez nous où on peut couper les cheveux en quatre pour 10 km/h d'excès 300 mètres après la fatidique plaque blanche d'agglomération sur l'autoroute... Jugez plutôt:
- Bruler un feu rouge (ah, grande nouvelle: ça veut dire qu'il y en a!): 100 Roupies (2 Euros)
- Klaxon fantaisie : 100 Roupies
- Emprunter un sens interdit : 100 Roupies
- Phares éblouissants : 100 Roupies
- Téléphoner au volant : 300 Roupies (infraction grave, alors?)
- Conduite dangereuse : 100 à 300 Roupies (selon la cylindrée)

Enfin, pour faire encore plus simple que ça, c'est en fait à la tête du client, puisque l'amende se transforme quasi toujours en pot-de-vin au policier.

Fri. 16 Nov. - Tailler la zone [Souchon]

Lu ce matin en première page du Times of India:
Bangalore in grip of cold wave Et de poursuivre en déplorant l'hiver rigoureux qui sévit ici, avec des températures record (de froid) pour la période, le tout expliqué par la proximité du cyclone qui fout le bordel au Bangladesh.

Mes yeux se portent alors sur les petits dessins météo et... ouh là oui, c'est vraiment pas ordinaire: là il fait tout-de-même 19°, et attention, ça pourrait tomber jusqu'à 12°C ! Inouï! En plein novembre, vous n'imaginez pas???

12 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - Interlude

Pas de chance pour lui, j'ai un collègue qui est tombé malade. Il a pas fait les choses à moitié, et il est à l'hosto avec une fièvre typhoïde. Ah ça, vistier les pays exotiques, c'est bien excitant mais ça comporte des risques! Et donc le gars est tout tremblant de fièvre, alimenté au baxter, avec l'anus qui prend un air de pompe à bière un jour d'oberbayern.
Après une semaine de ce traitement, il commence à avoir de sérieux doutes sur la qualité de l'endroit et la compétence du médecin qui selon lui veut le garder alité beaucoup trop longtemps, et que d'ailleurs un bon signe qu'il n'est pas soigné correctement est justement qu'il traîne encore là! «Mais ils n'y connaissent rien en médecine ici! Chez moi, ce serait déjà réglé cette affaire!»
Ajoutant probablement à son inconfort, la nourriture qu'on lui sert ne lui semble pas du tout comestible (il y a donc pire que le hospital food: la même dans un pays étranger!). Avec les collègues, on lui apporte donc quelques rations de base, de quoi survivre dans ce monde barbare...
J'ai été le visiter deux fois, et pour ma part j'ai trouvé l'hopital et le médecin tout ce qu'il y a de plus communs. Ca reste l'hotel le plus cher que j'aie vu, mais le service est aux petits oignons...

On en était à arranger avec tout le monde qu'on allait le rapatier anticipativement dès que possible chez lui pour sa convalescence, quand le gars a décidé qu'il voulait sortir dimanche, contre l'avis du médecin, et qu'il allait rejoindre la civilisation, où on allait enfin le soigner comme il faut.

J'ai finalement réussi à le convaincre que ça n'allait pas aller comme ça et qu'il fallait se relaxer et attendre bien sagement que le médecin fasse son travail et que oui, il sait ce qu'il fait et c'est pas un guignol, et qu'il est aussi compétent que ceux qu'on trouve en Inde...
Il va repartir en gardant une idée sympa de la France en tous cas, le bonhomme... Et pour ma part, je me suis rendu compte que dans cette situtation, les scénarios sont parfaitement symétriques et que venir en France représente pour des voyageurs Indiens exactement la même insécurité vis-à-vis d'une destination exotique et un peu sauvage que le voyage inverse à nos yeux...

07 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 1

A ma gauche: Les Français.

Dans cette banque (ça ne sert à rien de la nommer, je suis sûr que c'est toutes les mêmes, ce sera donc simplement "La Banque"), on retrouve les habituels managers (ceux qui causent) et les employés (ceux qui font, et qui sont pour la plupart contractants d'ailleurs). Typiquement, de temps en temps, un manager se dit qu'en plus de causer, il ferait bien de prendre une décision... Aaaaïe, c'est là que les ennuis commencent, l'aurait mieux fait de rester dans le giron de ses compétences, le gars, c'est comme ça qu'on l'aime.
Et donc voilà, ce jour-là le manager de l'informatique, il avait la gueule de bois, il s'était fâché avec sa femme, son équipe favorite avait perdu le match, je sais pas moi, mais il a décidé qu'il fallait outsourcer offshore, c'est-à-dire envoyer du boulot en Inde. Quoi? Comment? Qui? Aeuuuh, sais pas! D'ailleurs une décision par mois c'est bon comme ça hein? après, débrouillez-vous, c'est plus de mon ressort.
Du coup, La Compagnie de Consultance ("Coco") entre dans la danse: La Banque veut des hommes, on va lui donner (louer, eh!) des hommes. Ca tombe bien, c'est justement devenu depuis peu la spécialité de Coco: Louer des hommes.
Le principe est assez simple: La Banque est composée d'une multitude de cellules vaguement organisées en strucutre très peu cohérente, et chacune a droit à son quota de bonshommes: 1 ou 2 par-ci, 10 ou 20 par là (selon la taille de la voiture du chef de cellule, je pense). Après, ses bonshommes, il en fait plus ou moins ce qu'il veut, le chef de projet, de toute façon il doit rendre de comptes à personne. Idéalement, ils devraient travailler sur des projets.

Certaines cellules se sont retrouvées volontaires (bien souvent malgré eux d'ailleurs) pour démarrer l'offshoring. C'est-à-dire qu'au lieu de recevoir des chouettes bonshommes bien de chez nous qui connaissent le dernier bar branché à Paris, suivent le championnat de foot ou encore sont toujours partants pour faire le quatrième à la belote, ils vont recevoir des martiens venus de loin qui n'ont jamais mis les pieds à Paris, suivent le cricket et jouent au mangala, en plus d'accessoirement même pas parler Français et vivre à 8000 km de là! Mais bon, on n'en est pas encore là.

06 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - Prologue

Comme je l'ai déjà écrit, ma mission actuelle c'est de participer à la grande fête mondiale de la globalisation: j'envoie le travail des Français en Inde. L'aventure est probablement assez originale pour mériter un petit feuilleton à épisodes. Après le blog, je publie le livre, on en fait un film co-production Bollywood-Canal+, j'outsource le tout, avec les royalties j'achète un palais à Chennai, j'embauche une armée d'Indiens que je lance à la conquête du monde et je deviens maître du monde, hniyark gnark gnark!

Allez, j'envoie l'épisode 1 demain!