21 novembre 2007

Au cœur de la globalisation - 4

A ma droite: Les Indiens.

L'Inde, pays magnifique et mystérieux, au senteurs exotiques et envoûtantes, etc. etc. et où les fermes à informaticiens poussent comme des champignons.

Le truc dommage à Bangalore, c'est que tout ce bétail qui bosse dans les campus (buildings tout neufs, de verre et d'acier, assez semblables à ceux qu'on trouve chez nous), n'y est pas logé. Donc ça fait pas mal de monde qui circule dans tous les sens les matins et les soirs. Etonnamment, les seuls qui restent sereins dans tout ce bordel, ce sont les vaches sacrées à qui tout le monde fout la paix et qui peuvent aller paître où bon leur semble. Pour les autres, c'est la bagarre pour traverser la ville et arriver au bureau avant midi (ou arriver chez soi avant minuit, dans l'autre sens).
La conséquence immédiate, c'est qu'il n'y a pas un chat dans les bureaux avant 10h du matin (ne me demandez pas comment moi j'y étais, à cette heure-là, ça tient de l'exploit!). Et comme il faut éviter les embout' du soir, il faut quitter vite vite avant 18h. La philosphie régnante ici, vous l'aurez compris, c'est "pas pousser bobonne", ou "pourquoi faire aujourd'hui ce que je pourrais prétendre faire toute la semaine prochaine?".

Einstein a dû penser à son principe de la relativité du temps après un voyage en Inde: toutes les durées y sont dilatées. Il y a, en occident, une espèce de crainte de l'ennui qui fait que les gens en général débordent de créativité pour occuper leurs temps morts. Si j'attends un coup de téléphone dans 15 minutes, je vais faire autre chose en attendant: écrire un mail, parler à machin, lire un truc, n'importe quoi (et me mettre en retard pour le coup de téléphone, d'ailleurs au passage)...
En Inde, si on attend un truc dans 15 minutes, pas de problème, on est zen: en attendant, on attend. Ils ont cette incroyable faculté complètement cool de pouvoir attendre sans trépigner, sans devenir fous.
Là où ça devient comique aussi, c'est que comme c'est une activité normale d'attendre, personne ne vient se plaindre qu'il est en train d'attendre. Par exemple, j'assigne une tâche à un développeur. Il a un problème de connexion qui l'empêche de travailler. J'appelle le service qui règle les problèmes de connexion, et lui suggère quelques pistes d'autres trucs à faire en attendant. 3 jours plus tard, je retrouve le gars, il attend toujours qu'on lui règle son problème pour commencer à bosser... Et en attendant, ... il a attendu. Et pas foutu une bille.
Un autre exemple, je leur demande (aux 10 gars de l'équipe) un rapport de leur activité du mois de septembre: c'est sans ciller qu'ils me répondent qu'ils ont passé 60 jours à obtenir leurs visas (soit un tiers du mois). Après, c'est mon problème de présenter au client un rapport un peu moins couillon et d'inventer ce qu'ils auraient bien pu faire pendant ce temps s'ils n'avaient pas bêtement attendu que le formulaire arrive par la poste...

Un autre élément facilitateur de non-travail, c'est qu'ils sont fragiles. Il n'est pas rare que l'un de leurs proches tombe malade. Sa mère. Ou son cousin. Ou le père du frère de la femme par deuxième mariage du cousin, celui qui habite à la frontière du Bangladesh («un proche!! On a gardé les cochons ensemble!» — Quels cochons, au fait??). Et comme il faut être solidaire avec la famille, il faut bien que quelqu'un se dévoue pour aller au chevet du malade, vous comprenez bien. A ce sujet, on médisait d'ailleurs (entre Belges) qu'elle serait vachement heureuse, la malade, de voir à son chevet ne fût-ce qu'un dixième des proches qui prétendent y être...

Parfois, ils sont un peu cassés eux-mêmes, ce qui n'est finalement pas très étonnant au vu du champ de bataille dans lequel ils sont fourrés, matins et soirs, sur les routes, juchés à 2 ou 3 sur leurs vieilles guimbardes 125cc au milieu des voitures, rickshaws, camions et vaches sacrées.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est vrai ça faudrait apprendre à attendre sans rien foutre d'autre que d'attendre. Je me demande qui pourrait faire ça chez nous???