11 juin 2006

Sun. 11 June - Dessine-moi un mouton [Mylène Fermière]

Bon, la suite de ma diatribe (un dictionnaire des synonymes m'a proposé d'utiliser 'catilinaire' en lieu et place, j'avoue que l'idée me tente assez, ne fût-ce que par référence à notre Amélie nationale, mais sans un bon dictionnaire de la langue pour me confirmer ce que ce mot signifie vraiment, j'ai une certaine réserve...) sur ma perception de la faune locale...

Une règle sociale assez absolue ici est qu'il faut toujours montrer le meilleur de soi, voire même encore un peu mieux que ça. Autrement dit, il faut toujours positiver. C'est valable aussi aux U.S.A. (Donc pour les gens que je connais qui déménagent bientôt en Lousiane: entraîne-toi...). Qu'est-ce que ça veut dire exactement? Je dois expliquer avec soin, parce qu'en Belgique, on est plutôt les champions de exactement l'inverse.

Première règle: l'expression «de merde» ne se traduit pas: «J'ai un boulot de merde» se dit «I have a very good job, but I think I would be able to move to something else» (notez le «very good» qui remplace «wonderful», qui lui veut dire «pas trop mal» en Belge) «Il fait un temps de merde» (bon, là, je suis pas sûr que cette expression peut être comprise dans toute son ampleur par des gens ne venant pas de chez nous évidemment...), un truc du genre «I hope it gets better tomorrow»;...

Deuxième règle: La question «How are you?» n'est pas une question, c'est une invitation à dire «very good, thank you» Une réponse du genre «Not that good», «Could be better« sont proscrites.

Troisième règle: Si par hasard quelqu'un a un doute sur vos compétences ou réalisations, voire même (ô horreur!) vous accule à avouer une faiblesse ou une faute (ça, c'est la fin du monde!), toujours répondre par une tournure positive. A nouveau, nous Belges avons besoin d'un petit guide du débutant:
- «Je ne sais pas» = «Je connais bien» (j'ai la nuit pour apprendre)
- «J'ai vaguement entendu parler» = «Je domine à fond» (ce que je sais est probablement suffisant pour le bluffer)
- «J'ai une vague notion du truc» = «Je suis un expert imbattable» (de toute façon, les autres en sont à la phrase ci-dessus, je crains rien)
- «Le truc que j'ai fait est une merde» = «Le boulot est fait, c'est une version draft» (de toute façon, personne s'en rendra compte, en particulier dans le cas fréquent de la rédaction d'un document)
- «J'ai pas la moindre idée comment faire ça» = «OK je m'en charge, comptez sur moi» (j'ai jusqu'à la deadline pour qu'ils annulent de toute façon le machin)
- «C'est bourré de fautes, ta merde!» = «Ce sera nickel demain matin» (ce petit jeu-là se répète facilement, parfois jusqu'à plusieurs mois)

et hors du milieu professionnel:
- «Je vis dans Suburbia, c'est moche et loin de tout» = «C'est plus calme et loin du tumulte du centre» (ah! le calme et le charme de l'échangeur d'autoroute!)
- «J'ai des habitudes alimentaires déplorables» = «Encore un peu de ketchup sur mon double whooper meal deal with bacon and cheese, please!»

Enfin, la palme d'or revient tout de même à mon ami Philip, qui après s'être cassé la jambe en ski: «C'est sympa j'avais une chambre d'hôpital avec une super vue sur la montagne»

Il y un côté pas mal à ce positivisme, c'est que tout le monde a l'air toujours plus ou moins heureux, content de son sort, d'avoir bon espoir en un demain encore meilleur, on nage un peu dans le meilleur des mondes. Le truc pas cool évidemment, c'est que dès qu'on sous-entend que quelque chose ne va pas, c'est un peu assimilé à dire «J'ai la chaude-pisse, ou la peste», ils balancent entre la compassion et la quarantaine (ça pourrait être contagieux!). N'oublions pas qu'à chaque carrefour traîne un gars puant en haillons avec une tasse en carton qui nous rappelle au quotidien à quoi ça mène, de pas «aller bien»! De «Je déprime» au gobelet en styrofoam, il n'y a qu'un pas!

A choisir cependant, je préfère probablement cette attitude positive pour l'enthousiasme, la bonne composition et l'espoir qu'elle véhicule par rapport au négativisme plus généralisé en Belgique, qui mène en général à dénigrer, décourager, abandonner, se plaindre, être contraire. Sauf que quand à force de ne voir que le côté positif, on en devient complètement partiel ou hypocrite, c'est foireux évidemment.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Te plains pas, ici, on a droit aux horribles odeurs des émanations de maman; heu, enfin, je veux dire du crocodile qui traîne depuis des mois sur la terrasse… Beueueue je te dis pas.
Puis aussi, je me torture avec Xa (le petit frère) avec lequel je vais courir tous les jours, heu enfin je veux dire tous les deux jours, le temps de récupérer… et c'est pas de la tarte. Tu sais pas la chance que tu as de ne pas courir avec lui: il ne s'arrête jamais, pas de pitié pour mes suffocations à côté de lui ni pour les gouttes qui me tombent de partout.
Puis, encore, parce que c'est pas tout, je me lève 2 fois par semaine à 5h du mat… Alors, tu vois question déprime, mais tu sais, c'est bien tout va bien et je maîtrise un max, comme tu dis.
Voilà, il faut positiver et c'est ce qu'on fait mais en bon Belge, je continue quand même à me plaindre du soleil qui nous est tombé dessus d'un seul coup, sans prévenir (le salaud) et que maintenant, on crâme et c'en est vraiment à regretter le mauvais temps…
Bon, je te laisse, y'a maman qui veux aussi t'écrire et elle s'impatiente et dit que je peux pas écrire tout ça…
Bisous contre la déprime et à bientôt, je vais courir si je trouve Xa.

Anonyme a dit…

There is always a bright side to life!
If life seems totally rotten,
There's something you've forgotten…


Give a whistle!

Always look…

C'est d'ailleurs le gai message que nous sussure olfactivement la gorge déployée du croco à l'haleine putride qui du Haut de la Seconde Terrasse de la Rampe du Couvent exhale ses effluves glauques, impitoyables et chaudes par-dessus le marché jusqu'au fond du plus ténu refuge.
The light side of death, eh?

Anonyme a dit…

Salut Thierry!

je retrouve avec plaisir ton blog. Ce post m'a bien plu, c'est vraiment ce qu'Eric et moi nous disons depuis notre retour du Cambodge (il y a une semaine): là-bas, pas de sécu sociale, d'hosto digne de ce nom etc. Mais par contre toujours des grands sourires, des gens qui ralent jamais même quand ils crèvent 2 pneus de leur fringante Toyota Camry sur la même journée (ça nous est arrivé)... Les Belges ont encore des choses à apprendre....