Je continue mon petit point de la situation après 2 (qui entre temps sont devenus 3) mois ici, aujourd'hui: le travail.
Capco a signé il y a 3 ans un contrat avec la banque CIBC pour moderniser leur chaîne de traîtement des opérations bancaires contre un chèque gros comme un maison (enfin, gros comme tout un quartier serait plus proche de la réalité): «OTIS». Les impératifs du staffing (excusez l'anglicisme: le Robert&Collins me propose «dotation en personnel», vous trouvez ça mieux?) ont généré une belle vague d'immigration des 4 coins du monde vers downtown Toronto: Capco fournissait tous les cadres et directeurs du projet, qui sont donc des Belges et des Anglais pour la plupart, et tous les développeurs étaient des contractants trouvés ici (souvent des gars tout aussi importés que nous, à l'exception que ceux-là se sont importés tout seuls).
On m'a raconté qu'à l'époque, tous les expatriés de Capco, vivant tous frais remboursés, menaient la belle vie, sortaient comme des sauvages (les Anglais et les Flamands sont déjà pas des clenches dans cette discipline, mais quand en plus ils arrivaient à tout faire passer sur la note de frais, j'ai du mal à imaginer les têtes des lendemains!...). A côté de ça, il faut reconnaître que l'expat est rarement syndicaliste ou près de ses heures: certains d'entre eux ont passé la majorité de leurs week-ends à bosser. Sans belle-famille chez qui aller prendre la tarte le dimanche midi, avec des copains qui sont justement les collègues qui bossent eux aussi le samedi, il a pas grand chose à perdre à bosser tout le temps (enfin, pas trop tôt le matin, surtout!)
Tous ces gens travaillaient donc gaiment à la construction d'un système informatique géant destiné à réduire les coûts de la banque (je crois d'ailleurs que le chèque de Capco n'est pas autre chose que le reflet des économies réalisées par la banque). Ca ne fait de secret pour personne, ici comme ailleurs, "réduire les coûts", c'est avoir moins de personnel: ne pas remplacer ceux qui s'en vont, remplacer des spécialistes coûteux par des agents polyvalents moins qualifiés ou à l'inverse, remplacer plein d'agents peu qualifiés par deux spécialistes, virer les consultants, virer quelques employés aussi,... Comme je l'ai déjà raconté, cette banque fourmille de gars qui font tous une toute petite tâche très précise, dirigés par des couches et des couches de contremaîtres, sergents et autre sous-chefs, le tout chapeauté par des managers qui pilotent le tout à partir de rapports foireux issus de systèmes informatiques hétéroclytes et aléatoires. Tout ce machin tient surtout par la force de l'habitude, qui mène à un équilibre assez lointain de celui atteint par la force de la logique... Je suis sûr qu'à y regarder de plus près, on peut trouver des départements complets où chacun a honnêtement l'impression de faire correctement son travail, mais qui au final n'apportent strictement aucune valeur ajoutée au mastodonte (Qui a parlé de l'administration belge???). Mon expérience personnelle avec cette banque est probablement assez illustrative: dès la première semaine de mon arrivée ici, j'ai fait une première demande pour avoir une carte de crédit. Après 3 mois, j'en suis à ma 4ème demande (une à l'agence, deux par formulaire et la dernière par le web), j'ai dû parler à 4 personnes différentes, prendre 3 rendez-vous à mon agence et leur faxer 3 paquets de documents. Tout ça pour avoir une carte de crédit pour laquelle ils me demandent d'immobiliser en garantie la totalité de la limite d'utilisation... où est le "crédit" dans tout ça? Je pense qu'effectivement, ils ont de la marge pour améliorer le service.
En capitalisant sur le succès d'OTIS, à la fin de l'année dernière, quelqu'un a vendu l'idée de «EBO», mon petit projet, 40 fois plus petit qu'OTIS. Pas de volonté d'économie ici, mais simplement le fait de remplacer un système dépassé et inadéquat qui leur cause pas mal de soucis de fiabilité. Je devenais donc le capitaine du petit chalutier qui navigue à côté du paquebot transatlantique.
OTIS arrive maintenant en fin de course, ce qui devait être conçu l'a été, ils en mettent d'ailleurs une partie en production aujourd'hui même. C'est un succès pour des tas de gens, le projet a effectivement modernisé le traitement des opérations, plus fiable, plus rapide,... Dans la foulée, les vendeurs de Capco se sont dit qu'ils allaient surfer sur ce succès pour proposer de refaire le coup avec la division d'à-côté. Il y a 3 mois donc, on sentait assez bien l'effervescence de l'équipe qui préparait tout ça dans un grand secret, l'excitation des premiers jours était de retour!... OTIS-2 le retour, nouveau projet intéressant, du travail pour tous, rien que du bonheur! Mon projet devenait en quelque sorte le pont entre ces deux géants, destiné surtout à conserver le savoir-faire et ne pas laisser ces gars compétents s'évaporer dans la nature. Sauf que petit à petit, le manque d'une annonce fracassante, les rumeurs, les doutes, les expats Anglais qui rentrent à Londres,... ont fini par avoir raison de notre optimisme et laissé place à une certitude croissante que la fin d'OTIS n'allait céder la place à juste rien d'autre. Ca commence à sentir sérieusement la démobilisation, ils se barrent tous l'un après l'autre; ceux qui restent passent leur temps sur le web à éplucher les annonces et chercher leur prochain emploi, on pense en refourguer certains chez moi, question de les prolonger pour quelques mois. M'en vais donc me retrouver dans un rôle de dernier des Mohicans sous peu, moi...
Enfin, la vie continue et Capco a déjà mis les pieds dans un autre gros projet à Mississauga. C'est un endroit tout à fait charmant à 50 km de Toronto: un zoning comme ils en sont les champions ici. Il y a là-bas: des buildings, des routes et des parkings. Le scénario le plus proche de "on va manger un bout ce midi" est: on sort du building, on traverse des étendues de parkings, on traverse l'autoroute, encore quelques parkings et au bout de dix minutes, la terre promise: un Mac Donalds (un drive-in?). Alternative: on prend une voiture, puis on a le choix entre un restoroute, un autre drive-in ou un truc convenable à une demi-heure de route. Ajouter à ce tableau déjà alléchant les navettes matin et soir, l'obligation d'avoir accès à une voiture, et ça devient carrément attirant: plus besoin de se casser la tête pour savoir dans quel pub on va aller boire un verre ou quel film on va aller voir à la sortie du boulot! Mmmmh, la vie comme les vrais d'ici: travail-voiture-dormir, j'en rêvais!
13 mai 2006
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1 commentaire:
Salut Tigg,
Je lis - avec grand intérêt et admiration pour le talent -ton blog en écoutant Lynda Lemay et Daniel Lanois. Les trois auteurs confirment décidément mon amour pour le Canada (oups… Québec).
J'espère bien convaincre Maman d'aller sans tarder découvrir notre animal fétiche dans son milieu d'origine!
Plus demain!
É
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